Une réalité de plus en plus visible

Longtemps perçu comme un phénomène réservé aux cadres dirigeants en fin de carrière, le burn-out touche désormais une population bien plus jeune. Étudiants en stage, alternants, jeunes diplômés, freelances ou salariés en CDD/CDI : de plus en plus de jeunes, parfois dès leurs premières expériences professionnelles, subissent un effondrement mental et physique lié à leur activité. Ce constat inquiète autant qu’il interroge. Car derrière chaque burn-out se dessine le portrait d’un monde du travail en pleine mutation — et en perte de repères.

Le poids de débuts professionnels instables

L’entrée dans la vie active n’est plus ce qu’elle était. Là où les générations précédentes bénéficiaient souvent de repères stables (emploi à long terme, ascension progressive, valorisation de l’ancienneté), les jeunes d’aujourd’hui se heurtent à un marché du travail morcelé, ultra-concurrentiel, et souvent précaire. Les débuts professionnels sont marqués par des contrats courts, une rémunération incertaine, une nécessité de faire ses preuves sans relâche. Cette insécurité structurelle devient une source majeure de stress et d’épuisement.

Une exigence de performance dès le premier jour

Dès leur arrivée dans l’entreprise, les jeunes sont soumis à une exigence de performance immédiate. Pas de temps pour l’apprentissage progressif : ils doivent être « opérationnels », « agiles », « autonomes », « engagés »… parfois dès la première semaine. Cette injonction à exceller sans délai, dans un environnement souvent complexe, crée une tension constante, d’autant plus difficile à gérer que les ressources internes (confiance en soi, expérience, recul) sont encore en construction.

Des managers parfois dépassés

De nombreuses entreprises n’ont pas encore pleinement pris conscience des besoins spécifiques des jeunes générations. Le management traditionnel, souvent fondé sur l’autorité verticale ou la pression des résultats, peine à s’adapter à des collaborateurs en quête de sens, de feedback constructif, de reconnaissance et d’équilibre. Faute d’accompagnement, beaucoup de jeunes employés se sentent isolés, incompris ou négligés, ce qui renforce leur vulnérabilité au burn-out.

Une culture du « toujours plus »

La glorification du dépassement de soi reste très présente dans de nombreux secteurs. Faire des heures supplémentaires, être constamment joignable, répondre à ses mails tard le soir… ces comportements sont encore valorisés, voire attendus. Pour des jeunes en début de carrière, désireux de « faire leurs preuves », cette culture devient piégeuse. Ils s’imposent des charges de travail démesurées, jusqu’à l’effondrement. Et lorsque les premiers signes d’épuisement apparaissent, ils sont souvent ignorés ou minimisés, par eux-mêmes comme par leur entourage professionnel.

Un rapport au travail profondément bousculé

Le burn-out des jeunes ne traduit pas seulement un excès de charge ou de stress : il révèle aussi une profonde remise en question du modèle de travail dominant. Beaucoup ne se reconnaissent plus dans un système basé sur la hiérarchie rigide, la compétitivité permanente et le sacrifice de la vie personnelle. Ils aspirent à un travail qui ait du sens, qui respecte leurs valeurs et leur santé mentale. Le décalage entre ces aspirations et la réalité vécue alimente frustration, désillusion… et, trop souvent, effondrement.

L’impact des crises contemporaines

La Génération Z, et plus largement les jeunes actifs d’aujourd’hui, évoluent dans un contexte marqué par l’incertitude : crise écologique, pandémie mondiale, inflation, tensions géopolitiques, logement inaccessible… Ces crises ajoutent une couche d’angoisse existentielle à une charge professionnelle déjà pesante. Ce climat anxiogène global fragilise les équilibres psychologiques et rend les jeunes plus susceptibles de sombrer lorsqu’un déséquilibre professionnel survient.

Parler pour agir : briser le tabou du mal-être

Le burn-out reste encore trop souvent un sujet tabou, surtout chez les jeunes, pour qui l’image de « fragilité » peut nuire à la carrière. Pourtant, reconnaître cette réalité est la première étape vers le changement. Il est essentiel de créer des espaces de parole sécurisés, où les jeunes puissent exprimer leur mal-être sans peur du jugement ou de représailles. Les ressources humaines, les services de santé au travail, mais aussi les collègues, ont un rôle clé à jouer dans la détection et la prévention.

Repenser les organisations pour prévenir l’effondrement

Prévenir le burn-out ne peut pas reposer uniquement sur les individus. Cela implique un changement en profondeur des modes d’organisation : charge de travail raisonnable, reconnaissance réelle, autonomie, droit à la déconnexion, valorisation de la progression et non de la perfection. Il s’agit de sortir du modèle « consumériste » des ressources humaines, où l’on « use » des talents jusqu’à l’épuisement, pour aller vers un modèle plus durable, plus respectueux, plus humain.

Un signal d’alarme à ne pas ignorer

Le burn-out des jeunes est un signal fort. Il ne s’agit pas d’un simple problème individuel, mais d’un symptôme collectif. Il révèle un malaise structurel dans la façon dont nous concevons le travail, la réussite, l’engagement. Ce phénomène ne doit pas être minimisé. Il appelle à un changement radical, à la hauteur des enjeux : si nous voulons que les jeunes puissent construire un avenir professionnel viable, il est temps d’écouter ce que leur fatigue, leur colère, et parfois leur silence, ont à nous dire.
Le burn